Hell ? No way. ~ Lyhley ~

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Si elle pouvait se voir, Lyhla ferait la grimace. Elle qui détestait les hôpitaux, elle était servie.

Après son arrêt cardiaque, spectatrice sans la voir de l'agitation autour d'elle, elle avait été envoyée au bloc. Les ambulanciers n'avaient pu retrouver un peu que grâce au défibrillateur. Malgré le massage cardiaque d'Ainsley, il en avait fallu plus pour la sortir de l'enfer. A peine vivante lorsqu'on l'avait envoyée au bloc, elle en était ressortie des heures plus tard, placée dans l'aile des soins intensifs, puis descendue un étage plus bas lorsque son état s'était stabilisé. Elle pouvait recevoir des visites, mais n'avait aucune idée des collègues, de sa famille, d'Ainsley qui passaient, repartaient, restaient. Le torse enveloppé de bandages, elle avait subi des opérations pour remettre ses côtes en place, et l'opération qui lui sauva la vie, la mise en place du pacemaker qu'elle ne devait recevoir à l'origine que deux semaines plus tard.

Sur ses bras et ses mains, de petites égratignures, creusées par les éclats de verre, s'étaient recouvertes de croûte. Mais au-dessus de son sein gauche, une cicatrice plus importante était encore cachée sous une compresse. Celle de l'implantation de son pacemaker. Opérée dans un état critique, elle ne s'était pas réveillée depuis. Allongée dans le lit d'hôpital, vêtue de cette blouse affreuse, les doigts encerclés d'instruments pour mesurer son pouls, sa respiration, sa température, toutes ces choses auxquelles elle ne comprenait rien, intubée pendant quelques jours puis nécessitant seulement une aide respiratoire, lavée par des inconnues, tout ce qu'elle détestait était réuni dans cette chambre spartiate. Sans qu'elle ne le sache.

Étendue sur la couette, sa main reposait inerte. Des fils en partaient, l'entouraient, la menottaient. Mais rien n'empêcha ses doigts de bouger légèrement, rapidement suivis par ses paupières. Sa main tremblait, alors qu'elle sortait de sa torpeur, lentement mais sûrement.

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Depuis que j'avais failli perdre Lyhla ce fameux soir de 2012, je m'étais souvent demandée ce que j'éprouverais si elle se retrouvait sur ma table ; la table de la morgue, s'entend. Des corps, j'en avais vu des tas ; de toutes couleurs et de toutes formes, des corps enchevêtrés, des corps parfaitement rangés dans leurs boîtes, en morceaux, inertes... pourtant, la simple vue du sien sur ce lit d'hôpital me révulsait, me donnait la nausée, hantait mes nuits comme mes journées... son fantôme errait comme une âme en peine dans mes songes...

Ce fut lorsque je sentis une légère pression sur mes mains que je relevais la tête, retirant mes doigts des siens sous la surprise. Puis, ce fut le tour de ses paupières, vraisemblablement lourdes qui papillonnèrent un instant jusqu'à ce que ses prunelles se posent sur moi. Pour la seconde fois depuis des années, j'éclatais en sanglots. Très lentement, j'avançais de nouveau ma main, tremblante, vers la sienne. J'ai cru te perdre, là, dans mes bras lorsque tu as poussé ton dernier soupir. Tu m'as brisé le coeur. J'ai peur que tu t'effondres à nouveau, j'ai peur de t'étreindre... tout est de ma faute. Je me surpris à songer qu'il suffirait d'une simple erreur de posologie pour en finir... pour elle comme pour moi, pour retrouver Ian... et en éprouvais aussitôt une honte immense à cette idée. Puis, les larmes brûlantes me ramenèrent à la réalité et je m'entendis murmurer. « J'ai appris que le courage n'est pas l'absence de peur, mais la capacité de la vaincre... je crois avoir sérieusement manqué de vaillance ces jours-ci... pardonnes-moi... »

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« J'ai appris que le courage n'est pas l'absence de peur, mais la capacité de la vaincre... je crois avoir sérieusement manqué de vaillance ces jours-ci... pardonnes-moi... » Lyhla observa Ainsley, les pensées encore floues. Sans comprendre, elle laissa son regard errer sur la chambre, sentant les tuyaux s'enfoncer dans son nez. Ils la gênaient. Elle se sentait faible, nue, impuissante. Ce n'était pas un carcan de douleur, c'était un carcan d'impossibilité. Impossible de bouger, impossible de penser. Les images arrivaient à son cerveau, vagues et imprécises au travers de ses yeux humidifiés par des larmes provoquées par la lumière crue des néons, mais elle ne comprenait pas les images. Elle entendait Ainsley, sans la comprendre. Elle la voyait pleurer, sans s'en émouvoir.

Puis, le déclic. Ce fut le contact des doigts d'Ainsley, brûlants, sur sa main. Lyhla remua, cilla lorsqu'elle put se remettre à penser. C'était étonnant, ça faisait mal. Une pointe de douleur lancinante, à l'arrière de son crâne, qui disparut bien vite. Elle ne sentait rien d'autre que la main d'Ainsley sur la sienne. Pas de douleur, elle avait l'impression d'être lovée dans un cocon et pas allongée sur des draps rêches. Elle détestait cette sensation. Elle n'aimait pas que les situations lui échappent, que son corps lui soit étranger.

Un sanglot s'échappa de la gorge d'Ainsley, et la ramena à la réalité. Ses yeux bleus, cerclés de rouge, vinrent se poser sur elle. Quand elles étaient mariées, elle l'avait vue pleurer, quelques fois, le plus souvent de joie, le plus rarement de tristesse. Elles se ressemblaient, sur ce point ; elles n'aimaient pas pleurer. Lyhla se redressa légèrement, et retourna sa main pour entrelacer ses doigts à ceux d'Ainsley. Elle avait peur. La voir pleurer lui faisait peur.

« Rraaa. » Lyhla grimaça, avala plusieurs fois sa salive pour humidifier sa gorge, se la racla, et reprit, la voix néanmoins extrêmement rauque. « Arrête... de me fuir. Épouse-moi... parce que tu m'aimes. » Elle reprit son souffle, ne ressentant guère plus qu'une gêne dans ses côtes. « Est-ce... tu m'aimes... encore ? » Réponds-moi, réellement, cette fois, Ainsley. Ne me dis pas que je sais ce que tu ressens pour moi. Je ne suis pas oracle. Ni voyante. Je mérite d'avoir une réponse franche. Tu sais que je préfère la franchise.

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« Arrête... de me fuir. Épouse-moi... parce que tu m'aimes. Est-ce... tu m'aimes... encore ? » Mes yeux mi-clos s'ouvrirent en un battement de paupières. Plusieurs réponses contradictoires se formèrent dans mon esprit « oui, non, peut être, c'est compliqué », s'emmêlant jusqu'à rejoindre le noeud de mes pensées. Je suis restée muette un instant, essuyant mes larmes de temps à autre. « Je... » Je sentis mes traits se durcir, mon visage se fermer et se changer en un masque de pierre ; j'étais de nouveau emmurée dans le silence, dans ce silence si caractéristique et consécutif de ma personne lorsqu'il s'agissait de parler de sentiments, en particulier de ceux que j'éprouvais pour Lyhla...

Je me levais, asphyxiée par autant d'éloquence ; j'étais d'humeur taciturne. Perdre Lyhla ne serait-ce qu'un instant avait matérialisé mon pire cauchemar et ça, rien ne pourrait jamais l'effacer. « Rien n'est jamais tout blanc ou tout noir. » Les hommes et leurs âmes, c'est pareil. Dehors, le ciel était gris, maussade. Je soupirais, le regard perdu dans l'horizon. Et il y a de nouveau eu un long silence. « Tu sais très bien ce que j'éprouve pour toi. » Et ce satané silence est retombé d'un coup lorsque j'étouffais un nouveau sanglot, de ceux qui compriment la poitrine si fermement qu'ils vous donnent l'impression de vous écraser. « Tout est de ma faute. » Murmurais-je à moi-même tandis que le lac bleuté de mes yeux se muait en une marée sombre et violente, dévorante.

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« Tu sais très bien ce que j'éprouve pour toi. » Lyhla ferma les yeux, vaincue. « Tout est de ma faute. » Elle les rouvrit, pour apercevoir dans la vitre le reflet d'Ainsley et des larmes brillantes roulant sur ses joues. Elle l'observa sans rien dire, se souvenant de son expression dure, de son silence rude. Son propre visage se ferma, et elle détourna le regard de l'autre côté. Lyhla serra et desserra plusieurs fois sa main droite, jusqu'à la lever et sortir de son nez le tuyau qui l'aidait à respirer. Elle pouvait respirer seule maintenant.

Le retrait du tuyau la fit éternuer, deux fois. Elle se frotta ensuite le nez, tel un chat. Lyhla se rejeta contre le dossier, et inspira profondément. « Alors tu peux jeter le contrat de mariage à la poubelle. Je n'épouserai pas quelqu'un qui ne m'aime pas, ou qui ne l'assume pas. » Son regard s'était fixé sur le mur en face d'elle. Elle ne regardait pas Ainsley, elle n'avait pas la force de supporter son regard... Ou trop de force, justement. Si Ainsley voyait cette détermination froide dans ses yeux, ça la détruirait, elle en était convaincue. « Sors, si tu n'as rien d'autre à dire. » Elle avait failli mourir, elle le comprenait bien. Peut-être qu'elle ne serait pas là sans Ainsley, elle n'en savait rien. Mais ce qu'elle savait, c'est qu'elle refusait de vivre ainsi. Elle ne savait pas si c'était la faute d'Ainsley, ou pas ; elle l'avait longtemps pensé, mais elle n'y croyait plus. Lyhla ne croyait plus en rien. Elle aurait aimé croire en Ainsley, mais Ainsley ne lui donnait aucune raison de croire en elle.

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Lentement, avec une précaution extrême, je me retournais, levant les yeux au ciel lorsque je remarquais que Lyhla avait retiré les fils de son appareillage respiratoire. Aussi, j'esquissais un léger sourire lorsque son imprudence la fit éternuer. « Alors tu peux jeter le contrat de mariage à la poubelle. Je n'épouserai pas quelqu'un qui ne m'aime pas, ou qui ne l'assume pas. » « Tu peux divorcer quand tu veux. Tu n'es pas prisonnière. » Répondis-je rapidement, pour faire mal, évidemment ; il n'était question que de ça. Ce je t'aime moi non plus incessant, ce jeu sordide auquel nous nous adonnions contre notre gré...

« Sors, si tu n'as rien d'autre à dire. » Déconcertée, j'entrouvris les lèvres... et réalisais que je n'avais rien à dire, effectivement. Que dire de plus ? Lyhla ne voulait pas de moi, elle au moins était sincère. « Lyhla, je - » Quelle ne fut pas mon erreur de la contempler obstinément, comme si je cherchais une once d'espoir, comme si je recherchais désespérément un quelconque « s'il te plait, reste » - il n'y avait que de la détermination, une détermination froide et austère dans son regard, comme si elle avait soudainement refermé son coeur. J'eus l'impression qu'on m'avait jetée du haut d'une falaise. « Lyhla... remets ce satané tuyau ou je me fâche ! » Sifflais-je en fronçant les sourcils, désignant du regard le fil qui pendait mollement contre sa nuque.

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Elle avait envie de pleurer. Elle aurait préféré être morte. Elle aurait arrêté de souffrir. C'était égoïste, de penser que son arrêt cardiaque aurait pu faire changer Ainsley. Non, ce n'était pas égoïste, c'était illusoire. Rien n'avait changé. Alors si même sa mort ne changeait rien – parce qu'elle était morte, pendant un temps – autant en finir. C'était la seule certitude que Lyhla avait, à cet instant. Qu'elle avait envie de mourir, qu'elle allait mourir, puisque ça ne changerait rien après tout. Ainsley continuerait de vivre dans ses tourments, mais elle en avait assez. Il fallait que ça finisse, que ça cesse. Tant pis si c'était prendre la fuite, elle avait tenu bon, elle avait tenté de faire plier Ainsley de nouveau, elle avait tenté de lui montrer qu'elle l'aimait et qu'il n'y avait qu'ensemble qu'elles pouvaient aller mieux, mais rien n'avait marché, rien n'avait changé, alors tant pis, elle jetait l'éponge.

« Lyhla... remets ce satané tuyau ou je me fâche ! » Ce fut la surprise qui fit tourner la tête de Lyhla vers Ainsley. Une bonne dizaine de remarques lui vinrent à l'esprit, elle eut envie de rire ; au final, elle resta stupéfaite et ne réagit pas. Finalement, elle bougea légèrement la tête vers Ainsley, un sourcil relevé. « Sors, si tu n'as que ça à dire. Sors, et laisse-moi crever en paix, puisque tu n'en as rien à faire. Sors, et disparais de ma vie, Ainsley Pryce. »

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« Sors, si tu n'as que ça à dire. Sors, et laisse-moi crever en paix, puisque tu n'en as rien à faire. Sors, et disparais de ma vie, Ainsley Pryce. » Je me suis senti soudainement vidée et ses yeux, d'un bleu délavé par la maladie, se sont posés sur les miens, dévastateurs. Tout n'était que tragédie et mélodrame. Ç'en était particulièrement usant. Tout ne pouvait pas être tout blanc ou tout noir, bon sang ! « Très bien. » Dis-je en lissant les plis de ma jupe, le regard rivé sur mes talons hauts qu'il ne me semblait pas avoir quittés depuis une éternité. Partir ou rester... je détestais avoir la corde au cou, l'impression que l'on m'obligeait à prendre une décision que je n'avais pas envie de prendre, la sensation de n'être qu'un pantin dans une pièce de théâtre, d'être dénuée de toute capacité à prendre une décision par moi-même. « Si c'est vraiment ce que tu veux alors oui, je disparaîtrais... » Et, parce que je demeurais pragmatique à toute épreuve, j'ajoutais. « Vas-tu donc renvoyer ma mère également ? Parce qu'elle est partie se changer et qu'elle ne devrait pas tarder à revenir. Elle a passé son temps à ton chevet - nous avons passé notre temps à ton chevet. Mais je me ferais un plaisir de lui dire que tu nous chasses. » C'était un coup bas. J'étais à court d'idées. Je ne voulais pas partir. Je ne voulais pas me battre. Je ne savais plus très bien ce que je devais faire et j'étais littéralement épuisée.

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Lyhla porta une main à son nez, et le pinça entre deux doigts. Ce geste d'Ainsley... Quand elle plissait sa jupe, Lyhla avait du mal à lui résister. Il y avait un charme certain dans ce geste, et il y avait longtemps qu'elle y avait succombé. Elle avait failli ne pas en écouter ce qu'elle lui disait.

Lyhla leva des yeux fatigués vers Ainsley, et rencontra le même regard las. Subitement, elle sourit, très légèrement, parce qu'une pensée venait de lui traverser l'esprit. « Tu restes. » murmura-t-elle, à peine audible. Ce n'était qu'un constat, mais un constat qui lui mettait un peu de baume au cœur. « Ainsley... Lyhla prit une profonde inspiration, car elle ne savait pas trop encore ce qu'elle pouvait dire, Ainsley, tu fais tout pour rester, pas vrai ? Alors pourquoi est-ce que tu ne rends pas les choses plus faciles ? » C'était du quitte ou double ; elle prenait le risque de la voir se braquer et partir en furie, ou de la voir rester et... continuer à nier, n'est-ce pas ?

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« Tu restes. » Tout ce que tu voudras. A vrai dire, je n'étais pas certaine qu'elle l'ait véritablement dit. Ça n'avait aucune importance, en réalité, parce que ces mots résonnaient en moi comme un disque rayé. « Alors pourquoi est-ce que tu ne rends pas les choses plus faciles ? » J'ai brusquement relâché ma garde, assez pour que le voile se lève et que je ne puisse plus me défaire de son regard. Ça aurait été tellement facile de succomber une fois encore, de sombrer dans ses prunelles délicates, de lui promettre un amour éternel, de l'aimer, tout simplement. Pourtant... j'ai recommencé à voir ce qui se passait autour de moi : les tubes, les fils, le charivari des moniteurs... Lyhla ; amaigrie et blafarde, les yeux cerclés de noir, l'épuisement au bord des lèvres... « Bien sûr que je reste. » Dis-je, renonçant aussitôt à... tout le reste. Je fis quelques pas dans sa direction, me glissant sur son lit pour m'y asseoir sur son bord, redressant le drap sur ses épaules. Ma mère avait recouvert Lyhla d'un plaid en mohair parce qu'elle l'avait surpris entrain de frissonner pendant son sommeil - je le lissais jusqu'à sa taille. « Lyhla... j'avais besoin de partir, c'était comme une nécessité absolue, vitale. Pourtant... te laisser demeure la chose la plus difficile qu'il m'eut été donné de vivre. » Prise dans un élan de sincérité, j'ajoutais. « Jusqu'à... Lyhla... tu es morte dans mes bras. Ton coeur a cessé de battre. » De nouveaux sanglots silencieux vinrent me brûler la gorge, me secouer la poitrine. « Je... ça ne devait pas se passer comme ça... si j'avais... j'aurais pu... je n'ai pas... » Tout est de ma faute. Je ne te mérite pas, Lyhla.

» I'll fly back to you, as fast as I can ~ Lyhley
» Holy cr*p... ! ~ Lyhley ~
» you'd say don't you cry, it's all gonna be alright - lyhley
» Call, cry, kiss ~ Lyhley
» Will you, one day, give me another chance ? ~ Lyhley