Little red riding hood w/ Milo

Il avait toujours l'air d'un manchot mais je ne fis aucune remarque à ce sujet pour ne pas qu'il détale comme un lapin. Je me contentais de boire un peu de ce liquide brûlant qui ne me dérangeait en rien et lui demandais en quoi il pouvait se rendre utile. Je n'étais pas du genre à accueillir les autres et leur rendre service sans qu'ils ne m'en rendent un en retour. Le problème pour ce Milo, c'était que je savais très bien me débrouiller seul et qu'il allait devoir trouver LA bonne raison pour me convaincre de le laisser crécher dans mon garage quelques jours de plus. De quoi avais-je besoin ?

"Peinturer hein..." Ce mot m'interpella aussitôt. J'étais peintre alors bien sûr que je me posais des questions. N'était-il doué que pour étaler de la peinture sur des grandes surfaces ou valait-il mieux que cela ? Je le regardais avec attention et réfléchissais à ce que je pouvais bien lui donner comme tâche qui ne m'intéressait pas, mais qui était nécessaire au bon fonctionnement de mon appartement.

À ma grande surprise, il se mit à réagir comme... impossible de décrire ça. Je fus surpris et après l'air étonné, je trouvais ça presque... drôle. Mes lèvres bougèrent pour former un petit sourire en coin que je ne voulais pas trop visible. Apparemment, le breuvage était trop chaud pour lui et il semblait complètement paniqué. Moi, comment avais-je fait ? Je ne sentais plus la chaleur à force. Et puis, c'était comme ça que je l'aimais : revigorant et douloureux.

"J'ai l'habitude." Répondis-je simplement, cachant mon air moqueur derrière ma tasse dont j'avalais encore une gorgée. Il en était presque drôle, ce garçon. J'attendis qu'il ait fini de bouger dans tous les sens avec un air catastrophé pour repartir sur un sujet plus sérieux.

"Est-ce que tu sais isoler une pièce ?" Non, pas pour qu'on n'entende pas le cri de victime en train de se faire éviscerer... Juste pour que moi, je sois tranquille.

Les murs étaient si blanc et sans vie que je lui proposai de les peinturer ...mais compris vite que j'avais peut-être commis une erreur. Ouais. Disons que Louis était déjà peintre alors si il avait voulu mettre de la couleur sur ses murs, il l'aurait sans doute fait il y a longtemps déjà! Pinçant mes lèvres, je rougis un peu quand il répéta ce mot et me renfrogna légèrement avant de boire une gorgée ...et me brûler au sixième degré. Non, sérieux, ma gorge était en feu, là! Je pouvais sentir le liquide brûler mon œsophage et mon intestin en descendant dans mon corps! Bordel que ça faisait mal! mais pendant que je m'affolais dans tous les sens pour tenter d'apaiser ma douleur, je le vis sourire très ....Très légèrement et cela me calma un peu. Je rêvais ou je venais de le faire sourire?

En l'entendant dire qu'il avait l'habitude, je compris qu'il devait bien aimer avoir mal. Ce mec devait probablement avoir un donjon sado maso dans son appartement ou je ne sais quoi, car il était vraiment très spécial. Au point d'aimer la douleur causé par du café trop chaud? Ouais. Il était sado maso. Un vrai 50 shades of Grey. Je ne dis rien et me contenta de souffler doucement sur le liquide en le regardant timidement pour ensuite hocher oui à sa question très ...perturbante. Il voulait isoler son donjon, c'est ça?

Pinçant mes lèvres, je dis alors «Oui, c'est facile. Je peux le faire! Il faut seulement acheter le bon matériel et le tour sera joué en moins de 3hrs.» avant de sourire un peu et tenter à nouveau de boire une gorgée. Cette fois, elle passa un peu mieux que la première, quoique encore un peu chaude. Voulant renchérir la conversation, j'ajoutai «C'est pour une pièce de musique ....? C'est pour quel genre de pièce? Car tout dépendant ce que vous voulez en faire, le matériel d'isolation pourrait changer ...Faut savoir ...» et moi je veux savoir si tu es sado, mec. Alors répond maintenant.

Cela ne m'étonnait pas qu'on me prenne pour un monstre, ou un sado maso. De base, j'étais spécial et c'était le lieu commun le plus direct pour les gens qui m'observaient un temps soit peu. Milo aussi devait penser que j'étais complètement timbré, rien que parce que je buvais facilement un café brûlant. Mais au fond, je n'étais pas si horrible que ça. Enfin, si, mais pas au point d'enchaîner des personnes dans une de mes pièces pour la taillader au fur et à mesure des heures ! Non, j'avais un tout autre style de perturbation. Il me manquait juste un peu de compassion et sensibilité.

"Mmmh, moins de 3 heures..." dis-je simplement à sa réponse, ce qui me satisfaisait pleinement. Ce serait vite fait et je ne pensais pas que ça me coûterait très cher de l'employer pour ce job. Je réfléchissais, alors qu'il reprenait la parole, m'en demandant plus - et souhaitant probablement savoir si cette pièce n'allait pas être une chambre des tortures, ou un truc du genre. Pas con, le petit sdf.

"J'aimerai isoler une pièce pour que moi, à l'intérieur, je ne puisse pas être dérangé par les bruits extérieurs. J'ai besoin de concentration et tous ces marmots qui passent dans la rue m'insupportent. Il faudrait aussi des fenêtres à triple isolation, si possible. Bien sûr, j'aurais un cachet suffisant pour l'achat de ce matériel." Finis-je par dire, ce qui relevait de l'évidence. Ce n'était pas lui, avec ses vieux vêtements troués, qui allait m'acheter du matériel pour tout ça ! Je le regardais, voir ce qu'il était prêt à me répondre et si on pouvait ainsi conclure à un accord. En attendant, je terminais ma boisson brûlante l'air de rien, comme si je buvais du lait froid.

Je suis étonné bien que légèrement angoissé par sa réponse. D'accord, il veut s'isoler des marmots qui crient et jouent dehors. Il veut avoir la Sainte-Paix, quoi! Seulement ...Je ne peux m'empêcher d'avoir la chair de pour quand je l'entend parler de fenêtres à triple isolation. Qui demande ça? Est-ce parce qu’il compte tuer des gens et empêcher les voisins d'entendre leurs cris? Ça me fait peur, mais je pince mes lèvres et hoche oui en disant «Oui, biensur! D'accord um ...Quand voulez-vous que je commence? Si vous avez déjà quelques matériaux de disponibles, je peux démarrer le travail pendant que vous allez chercher le reste ...? Ou ...Si vous voulez que je vienne avec vous ...» puis rougit un peu, les mains dans le dos. Veut-il vraiment se montrer en public avec un sans-abri? J'en doute.

Regardant mes pieds, je me met à songer aux dimensions de la pièce et au travail à effectuer pour arriver à mes fins. Ce qu'il veut demanderait bien plus que trois heures. Une journée ou peut-être même deux! À moins que j'y passe la nuit. Ça pourrait le faire. Je suis habitué aux courtes nuits, de toute façon. Il m'a aussi énormément aidé en m'offrant son toit, la nuit dernière. Je lui suis donc très redevable! Je mordille ensuite ma lèvre et dit en rougissant «Vous savez, après les travaux, je partirai si vous le désirez. Je ne veux pas abuser de votre gentillesse. Vous m'avez déjà beaucoup aidé. Ces travaux, c'est ma façon de vous dire merci. C'est tout ...» puis pince mes lèvres en regardant au sol. Biensur, j'aimerais bien rester. Avoir un toit sur la tête, c'est tout ce que je demande mais ...Si monsieur Louis ne veut plu de moi après les travaux, je quitterai et irai me trouver une nouvelle galerie où habiter pendant quelques jours.

Je pris le temps de réfléchir un peu à ses questions avant de répondre, puis finalement pris ma décision. Il était hors de question que je laisse un sdf inconnu seul chez moi ! Déjà qu'il me serait difficile psychologiquement de le laisser toucher à mon atelier...

"Tu commenceras dans la journée et tu viendras avec moi pour aller chercher les matériaux." Je tenais bien plus à la sécurité de mon appartement qu'aux on-dit des gens qui me verraient me balader avec Milo. Je n'étais pas fou. Laisser un sdf seul chez soi, c'était le cambriolage assuré, ou du moins il ne se gênerait pas pour toucher à tout et rien que cette idée me faisait frissonner de dégoût.

"On verra bien à ce moment-là." Répondis-je simplement, ce qui était la vérité. Je n'avais aucune idée de la décision que j'allais prendre à ce moment-là. Tout dépendrait de la façon dont Milo se comportait avec cet agencement de mon atelier. S'il faisait réellement du bon travail, il était possible que je lui en offre un peu plus.

Je lavais ma tasse et la laissais s'égoutter sur l'évier. Je me tournais ensuite vers lui, toujours avec cet air sérieux et renfermé. Trop difficile de sourire et je n'en avais pas de raison particulière en plus... "Sois prêt, lavé et propre sur toi dans une petite demi-heure. Je vais aller prendre des mesures dans l'atelier. On se retrouve dans l'entrée." Je sortis de la cuisine directement après ça et m'attelait à la tâche.

En effet, une petite demi-heure plus tard, j'avais relevé toutes les dimensions nécessaires pour l'achat de matériel et enfilais mes chaussures et mon manteau.

Il ne faut pas un diplôme universitaire pour voir et comprendre qu'il ne me fait pas confiance ...mais disons qui si je me met dans sa peau, j'aurais peine à me faire confiance aussi. Je rougis un peu et hoche okay avant d'esquisser un faible sourire pour me montrer gentil et faire semblant qu'il ne m'effraie pas trop. Sous ses demandes, je m'exécute aussitôt. Je m'empresse d'aller à la salle de bain pour me doucher proprement avant de m'essuyer et mettre des vêtements propres. Peu habitué à sentir bon, je prend même quelques secondes pour sentir un peu le collet de ma chemise avant de sourire et ajuster mes cheveux. Mon reflet dans le miroir me rapporte un homme fatigué, épuisé et blessé mais souriant. Heureux d'avoir passé une nuit sous un toit dans un environnement propre, pour une fois!

En sortant, je le vois déjà mettre ses souliers alors je fais la même chose sans dire un mot. Une fois fait, j'ajuste mon collet et lui demande «Je suis présentable...?» véritablement inquiet de me montrer en public après tant d'année de honte en étant sans abri. C'est idiot, mais j'ai peur du regard des autres devant mon nouveau look. Avant, en étant barbu et puant, je passais presque inaperçu. On m'évitait, même! Maintenant ...J'ai peine à me reconnaître. J'ai l'air presque dix ans plus jeune, ainsi. C'est dingue.

Rougissant, je m'excuse presque aussitôt en disant «Je ne suis pas habitué encore de me voir ainsi ...Ça me fait un choc ...» pour ensuite mettre timidement mes mains dans mes poches de jeans. Disons que ...son jugement me semble plus important que je n'aurais pensé et je ne sais pas pourquoi d'ailleurs. J'ai envie de lui plaire ...Qu'il cesse de me voir comme une bête puante ou pire, un monstre. Monstre que je suis sans doute ...mais que j'essaie de changer. Le goût d'une vie meilleure me reviens peu à peu à l'esprit et ... J'ai envie de pouvoir poursuivre mon rêve. J'ai l'impression que Louis pourrait bien m'aider pour cela...

Quand il arriva une petite demi-heure plus tard, je le regardais de haut en bas sans me gêner. Mon regard, même s'il était plutôt impassible, était en parfaite approbation avec sa tenue et son aspect général. J'hochais de la tête pour lui signifier mon accord. Il était presque mignon une fois propre et bien habillé. C'était un autre homme mais je ne me sentais pas forcément responsable de cela.

"Je peux comprendre. Allons-y." Je coupais court à la conversation et sortis dehors, lui à mes talons, jusqu'à la voiture. Je montais à l'avant et lui également, puis nous conduisis au magasin de bricolage du coin. Rapide et efficace, je ne mis pas longtemps à trouver ce que je voulais. Bien sûr, ce fut à moi de régler les frais et je le fis sans broncher. Nous ne parlâmes pas du tout, même si Milo semblait tout à fait différent dans cet endroit. Comme s'il redécouvrait les choses.

Finalement, nous finîmes par rentrer chez moi et je lui fis signe pour qu'il me suive. Je ne montrais mon atelier à personne. Du moins, rares étaient ceux qui entraient dedans. "Voici la pièce que tu vas devoir insonoriser. Sur ce papier, il y a toutes les dimensions et le modèle de ce que je veux, comme résultat final. Pas plus, surtout pas moins. Est-ce que ça ira ?" Je lui tendis le papier et rajoutais. "Ah, et ne touche à rien de ce qui se trouve à l'intérieur." Mes toiles étaient cachées sous des draps blancs mais sait-on jamais... Je préférais le prévenir, avec un petit ton menaçant.